HAZEL & MILAN.
Murmures de rêves confus.
Vingt-trois heure trente. Tu sors de la galerie, vidée de tous ces riches un peu snobs. Tu laisses les autres ranger le bordel que les visiteurs ont su mettre. Tu pourrais les aider. Mais tu n’en as pas envie. Passer derrière les autres pour nettoyer leur merde, c’est pas ton truc. T’as pas les mains faites pour ça.
Ça a été une bonne soirée. Une très bonne soirée, même. Blindée de bons tableaux et de bons artistes. Des gars qui savaient vendre leurs trucs ; t’as même pas franchement eu à faire ton boulot et à les mettre en avant. Tu t’es presque contenter de boire et de noter les ventes. Tu as passé le temps, discutant avec un mec. Belle gueule, beau cul. T’as pensé pouvoir le ramener avec toi, à la fin de la soirée. Mais le con était juste un allumeur. Peut-être un mec en mal d’amour ou de sensations nouvelles. Et il t’a planté, repartant au bras de sa femme. En ayant l’audace de t’adresser un dernier sourire en passant la porte. Tu ne le lui as pas retourné.
Enfin. Tu as vendu. Beaucoup. Et il n’y a rien de mieux pour t’arracher un sourire. De la satisfaction. Pure. L’argent, ça t’a toujours fait cet effet. Tu y es habitué, pourtant. Mais tu te délectes à chaque nouveau billet gagné. Tu te délectes souvent, en fait.
Tu respires l’air, de l’extérieur. Un peu frais. A pleins poumons. C’est dans ces moments-là que tu te sens vraiment vivant. Puissant. T’as un peu l’impression que le monde t’appartient. Et, Dieu !, oui, bien sûr qu’il t’appartient !
Tu marches dans cette rue, un peu agitée. Tu n’arrêtes ton regard sur personne ; ils sont trop bruyants pour être attirants. C’est l’heure où les gens commencent à se retrouver et à prévoir, ensemble, le déroulement de leur soirée. Tu évites les groupes. T’as pas envie de bruit, ce soir. Tu vas te contenter d’appeler un ami et de fêter ça, avec lui. Tu ne penses même pas qu’il puisse avoir autre chose de prévu. Ça ne t’effleure pas. Si c’est le cas, il annulera. Comme d’habitude. Tu passes en premier. C’est normal.
Tu allumes une clope. Et tu composes le numéro de cet ami. Un des seuls. Rare. Pour ne pas dire l’unique.
« On s’rejoint chez moi ? J’t’offre un verre ! »
Tu lui dis, sans salutations. Pas besoin de ça, entre vous. Il te dit qu’il est occupé. Qu’il est avec quelqu’un. Tu plisses ton nez, ça ne te plait pas vraiment. Alors tu insistes. Tu sais qu’il cédera. Il cède toujours. Toujours. Et s’il bataille, c’est juste pour la forme. .
« Allez, chéri ! J’ai bien vendu. Fête ça avec moi. J’te laisse pas l’choix ! » ; tu ajoutes.
Et, très vite, tu entends sa voix changer et son enthousiasme presque palpable. A la seule idée de passer une soirée avec toi.
Tu tires une longue taffe sur ta clope, et lance :
« Génial. J’serais chez moi dans dix minutes. Bouge ton cul ! »
Et tu raccroches. Tu gagnes à tous les coups. C’est tellement évident. Si simple. Ce n’est même plus une victoire que tu savoures.
Tu lances ta clope, à moitié consumée seulement, dans le caniveau.
Tu aperçois ta voiture. Tu y es presque. Alors tu sors tes clefs et les fait tourner autour de ton doigt. Mais, ton regard dévie. Et se pose sur un homme. Un jeune homme. Un beau brun un peu trop maigre. Un nouveau. Tu ne l’as jamais vu. De la chair fraîche. Une proie à l’air facile. Pour le prédateur que tu es. Il semble à la fois assuré et perdu. Tu ne sais pas ce qu’il cherche, ou ce qu’il attend. Mais tu sais très bien ce que tu as envie de lui proposer. Tes yeux accrochent les siens. Tu le fixes, intensément. Et tu t’approches de lui, en mordillant doucement ta lèvre.
Démarche assurée. Quelques enjambées mesurées. Et te voilà tout près. Très près. Peut-être un peu trop près. Tu ne le lâches pas des yeux. Tu essaies de faire passer dans ton regard toutes ces choses que sa seule vue t’inspire. Et tu lui offres l’un de tes sourires séducteurs.
« T’es pas un peu jeune, pour être encore dehors, à cette heure ? »
Empreint d’une certaine euphorie, stimulée par ta bonne humeur, tu pourrais l’embrasser. Ici et maintenant. Tu pourrais lui faire bien d’autres choses, aussi. Sa peau appelle tes mains. Tu l’entends. Tu penses qu’il n’aurait rien contre. Bien au contraire. Tu te trompes rarement.
« Tu cherches quelque chose ? Ou… quelqu’un, peut-être ? »